D’une rentrée à l’autre, quid de l’emploi des cadres de l’immobilier ?

Par Publié le : 19 septembre 2023Catégories : articles DVA

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« Nous nous attendons à un niveau d’activité proche de celui de 2020 » prévoient Laurent Derote et Sophie Vatte s’agissant de l’emploi des cadres dans l’immobilier. Le président et la directrice générale de DVA Executive Search dressent un bilan du recrutement à fin août et, surtout, dessinent les probables évolutions des recherches d’ici la fin de l’année. Et ce, face à des marchés immobiliers « en phase de redéfinition d’une grande partie de leurs fondamentaux »…


L
a rentrée 2022 était celle du « grand tournant » à quatre titres : conséquences économiques et sociétales de la crise sanitaire, prise de conscience du dérèglement climatique, constat de la relativité de la démocratie et de nos valeurs avec la guerre à nos portes et la contestation de l’universalisme occidental par les Brics, et enfin, crise de l’énergie et stagflation.

Une rentrée entre atermoiement, refinancement et chute des activité

La rentrée 2023 est celle de l’atermoiement, du refinancement des opérations investisseurs et de la chute des activités de l’industrie immobilière, en particulier de l’effondrement de la promotion résidentielle. Aux conséquences de l’après-crise sanitaire, de la géopolitique et de l’inflation, s’est ajoutée une vision gouvernementale malthusienne de l’immobilier résidentiel qui privilégie désormais les investisseurs professionnels afin d’accroître le parc locatif en particulier intermédiaire, les bailleurs très sociaux, la mobilisation du parc existant par la rénovation/restructuration, mais aussi en exerçant une forte pression sur les propriétaires de résidences secondaires par la taxation afin qu’ils remettent leur logement sur le marché d’une façon ou d’une autre. L’ensemble, au prix d’un choc magistral de l’offre assumé par le gouvernement quelles qu’en soient les conséquences, tant pour l’accession devenue impossible avec la quasi-disparition des aides de l’Etat pour une très grande partie des ménages au niveau des taux d’intérêt actuel que pour le locatif dans les métropoles, les files de candidats à la location s’allongeant inexorablement d’autant que les logements classés F et G au nouveau DPE sont retirés du marché, réduisant l’offre locative.L’immobilier ancien n’est pas en reste même si la chute est très loin d’être au niveau du neuf (quasiment -40 %). Le nombre de transactions en 2023 pourrait descendre à 950 000 sur l’année, soit -16 %, s’accompagnant d’une baisse des prix encore variable selon les régions, projetée de -2 à -10 % sur l’année dans les grandes métropoles dont Paris.

Conséquences visibles sur l’emploi

Les conséquences sur l’emploi sont désormais visibles. Si rien n’est encore officiel chez les promoteurs, des plans de réduction d’effectifs bruissent. Quant aux missions qui nous ont été confiées à ce jour, nous observons un effondrement de la demande de cadres de promotion immobilière en résidentiel depuis le second trimestre. C’est ainsi que les promoteurs qui représentaient 45 % de nos missions l’année dernière à fin août, affichent 22 % cette année. Pour quelles recherches avons-nous été missionnés ? Outre quelques rares postes résidentiels de directeur du développement tournés vers les réponses à appels à projets, de directeur de programmes et directeur régional en début d’année, il s’est agi essentiellement de responsables contrôle financier et de postes en immobilier d’entreprise : directeur d’agence d’un opérateur en logistique, directeur du développement doté d’un carnet d’adresses institutionnel étoffé et maîtrisant les montages financiers, directeur technique de programmes ingénieur issu de la construction…


Les institutionnels en tête

Ce sont les institutionnels qui ont la première place dans notre palmarès à fin août, représentant 24 % de notre activité. Pour ces derniers, une règle absolue désormais : plus un seul besoin en recrutement n’est défini sans l’intégration des critères ESG. L’asset management totalise la moitié de nos demandes, en particulier dans les SGP dont bon nombre poursuivent leur développement et leur structuration, pour des asset managers confirmés et des directeurs de l’asset management, avec le plus souvent une composante « value add »-développement. Des responsables et directeurs relations investisseurs BtoB, et aussi en commercialisation BtoC, nous ont été demandés, ainsi que des analystes financiers, property managers intégrés, juristes siège et des « fund controllers ». Nous avons pourvu un poste de directeur général d’une foncière de développement en régions, recherchant un profil polyvalent, mais prioritairement orienté développement immobilier d’entreprise.
L’immobilier du commerce et de la distribution est résilient, notamment grâce à l’hôtellerie et à la restauration : recherche de responsables expansion régionaux et leurs directeurs expansion siège, de directeurs construction, d’asset managers spécialisés. Le secteur représente également 24 % de notre activité.
Les conseils et les prestataires de services immobiliers ont bondi cette année et représentent 12 % de notre activité à fin août avec deux dominantes, les études et le property management : directeur général études et recherche, directeur des études, directeur comptabilité mandants, de nombreux property managers confirmés… Mais aussi un très beau poste à contre-cycle en quelque sorte, de directeur transaction investissement…
Les grands utilisateurs ont été actifs en recrutement de chefs de projets, directeur de l’asset management et asset managers intégrés. Ils représentent 10 % de notre activité.
Le solde se répartit entre le logement social et l’ingénierie dont nous attendions plus de recherches d’ingénieurs chefs de projet. Ainsi, les missions signées en matière de technique construction, d’ingénierie, d’AMO/MOD représentent elles 16 % du total de nos missions classées par fonction, mais elles concernent surtout les maîtres d’ouvrage.

Vers un niveau d’activité proche de celui de 2020

Qu’attendons-nous pour cette rentrée et globalement pour cette année ?
Un niveau d’activité proche de celui de 2020, réparti différemment entre les fonctions et les métiers. Peu de postes de promotion résidentielle BtoC sont à prévoir, mais sans doute des postes en vente en bloc, en immobilier d’entreprise, les opérateurs étant très mobiles, passant aisément à la prestation de services AMO/MOD et aux CPI comme ils l’ont toujours fait lors des crises précédentes avec des équipes allégées. Or, le marché de la restructuration et de la mise aux normes DPE recèle un très fort potentiel ; le focus se déplace désormais sur les actifs existants.
Les métiers de la transformation énergétique vont être demandés. L’ESG est désormais une réalité et une obligation absolue chez les investisseurs qui ne peuvent envisager de nouvelles décotes de leurs immeubles de bureaux après celles résultant de la hausse brutale des taux d’intérêt et des évolutions sociétales nées de la crise sanitaire. L’âge d’or a donc commencé pour les acteurs du conseil spécialisé et de l’ingénierie, mais ces derniers manquent d’experts et de managers.
Les équipes d’asset management vont continuer à se muscler et devront faire preuve de créativité, afin d’apporter des réponses permettant d’optimiser les valeurs et d’enrichir leurs prestations pour fidéliser leur clientèle, ce qui passe aussi par des profils « value add » de monteurs, capables d’imaginer des solutions de transformation et de redéveloppement. Bon nombre de développeurs et responsables de programmes-monteurs de la promotion immobilière passeront, sans doute, chez les investisseurs pour cela, à l’instar des foncières de défaisance des années 1995-2000. Mais les asset managers devront aussi se pencher sur l’exploitation, les capex, sur les normes environnementales et leurs conséquences.
Les responsables et directeurs de l’investissement vont devoir être patients même si l’attentisme devrait prendre fin dès que vendeurs et acheteurs pourront se mettre d’accord sur des taux références, mais il faut trouver les produits. Le bureau sera difficile à remplacer en termes de volume bien que les produits alternatifs s’étoffent : logements gérés, hôtellerie, activités, logistique de proximité et autres, santé, data-centers, établissements d’enseignement, fonds de dette et, sans doute, commerce… Cependant nous ne retrouverons pas tout de suite les 30 milliards d’euros annuels !
Les fonctions supports en matière de reporting, de contrôle financier, contrôle de gestion, analyse financière, de suivi de la dette, d’identification des risques seront, vraisemblablement, renforcés dans tous les métiers.

Les métiers du financement et de la dette au coeur du jeu

Enfin, les métiers du financement et de la dette se retrouveront au coeur du jeu. Des recrutements sont, sans doute, à prévoir au sein des banques si elles sont à court d’effectifs suffisamment spécialisés, après les mutations internes qu’elles ont largement pratiquées jusqu’à présent. Mais elles ne sont désormais plus les seuls acteurs du financement. Une seconde vague de fonds de dette se déploie, des filiales de banques et d’assureurs, mais aussi des FIA (Fonds d’Investissement Alternatif, ndlr) luxembourgeois avec une structure en France gérés par les institutionnels les plus divers au travers de leurs SGP (Sociétés de Gestion de Portefeuille, ndlr). Le renchérissement des crédits, le durcissement des conditions de financement, les impasses de refinancement qui en résultent d’une part, la recherche de nouveaux produits de placement attractifs d’autre part, créent les conditions d’un fort développement des fonds de dette, certes déjà engagé, mais qui va sortir du marché de niche pour devenir une classe d’actifs très recherchée. Tout le monde y a intérêt, y compris la banque qui va refinancer l’actif décoté à hauteur de 25 % au lieu de 50 % à l’origine, par exemple, le fonds de dette proposant un coupon de 6 à 8 % sur le complément de 25 %. La banque et le fonds signent un « intercreditor agreement », mettant les créanciers au même rang de garantie. Le risque est donc partagé. Sans nul doute, les grands acteurs vont être de la partie, mais aussi de nombreuses SGP.
Ainsi, les marchés immobiliers sont-ils en phase de redéfinition d’une grande partie de leurs fondamentaux ; les promoteurs, quant à eux, vont s’engager plus avant dans le marché de la restructuration et se rapprocher toujours plus des investisseurs. Si les grandes lignes sont tracées, nul doute que la rentrée 2024 apportera son lot de nouveautés dans un monde en pleine mutation…

Sophie Vatté-Refes et Laurent Derote

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