L’emploi des cadres de l’immobilier à fin mai et l’approche directe des directions générales

Par Publié le : 22 juin 2023Catégories : articles DVA

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Dans un contexte de baisse du recrutement des cadres dans l’immobilier, Laurent Derote et Sophie Vatté soulignent que « l’approche des dirigeants nécessite adresse relationnelle, crédibilité et savoir-faire ». Le président et la directrice générale de DVA Executive Search en disent beaucoup plus sur les conditions aujourd’hui nécessaires de l’approche directe…

Il fallait s’y attendre, après une année 2022 qui s’était achevée beaucoup moins bien qu’elle n’avait commencé, un début d’année 2023 qui n’avait toutefois pas mal débuté avec un retour des sollicitations sur les fonctions de direction générale et de centre de profit dans la promotion, l’ingénierie, l’asset-management, les services, la demande s’est affaissée pour aboutir à une baisse de l’activité de l’ordre de 20 % à fin mai par rapport à 2022.

Cela n’étonnera personne, elle est essentiellement due à la chute de la promotion immobilière (-50 %). Les investisseurs institutionnels ont compensé en partie cette chute ; ils arrivent en première place des missions qui nous ont été confiées à fin mai, représentant 29 % du total et en croissance de 30 % par rapport à fin mai 2022. Les promoteurs arrivent quand même en seconde position avec 25 % (par rapport à près de 50 % à fin mai 2022) ; viennent ensuite l’immobilier du commerce à égalité avec les services (15 % chaque), les directions immobilières des grands utilisateurs (où nous avons rentré de belles missions), le logement social pour le solde.

Au niveau des fonctions, l’investissement et la gestion d’actifs arrivent en première place avec 33 % (15 % en 2022), puis le développement et les programmes immobiliers (30 %, contre 45 %), les directions générales et centres de profit (15 %, contre 7 %), les postes administration/ finances/gestion/juridique (11 %, contre 6 %), les fonctions techniques–construction (7 %, contre 20 %), la commercialisation et le marketing…

Les investisseurs recherchent majoritairement des directeurs de l’asset-management et des asset- managers confirmés, des analystes financiers et « fund-controllers » ; nous avons été missionnés pour un directeur général d’une foncière de développement, un directeur de la commercialisation. Les promoteurs ont recruté des directeurs du développement, dont certains en régions, Nantes, Marseille, Lyon, d’autres en tertiaire, des directeurs de programmes, dont un en réhabilitation, milieu occupé, un responsable financier développement grands projets ; les opérateurs du commerce et de la distribution, des asset-managers commerce, des directeurs et responsable expansion–développement, un responsable construction ; les groupes de restauration y sont notamment actifs.

Les conseils et les prestataires de services ont bondi dans notre activité à fin mai, avec deux dominantes, études et property management : direction transaction et investissement, direction générale études et recherche, direction des études, directeur des comptabilités, property managers confirmés…

Chez les utilisateurs, dont certains propriétaires– exploitants, nous avons été missionnés pour un beau poste confidentiel de gestion d’actifs en Europe, des chefs de projets, des asset-managers et responsable arbitrage.

« Personne ne passe vingt minutes au téléphone pour chasser un dirigeant »

Savoir naviguer dans des environnements complexes
Concernant les directions générales et de centre de profit, les priorités du moment en matière de « soft-skills » et de savoir-être sont de savoir naviguer dans des environnements complexes, incertains et stressants en gardant une parfaite maîtrise de soi, fédérant les équipes et s’adaptant à l’hybridation des mode de management, d’être en mesure d’impacter positivement les évènements sur le long terme, mais aussi parfois le court et moyen termes surtout actuellement, selon qu’il s’agit de sujets touchant prioritairement à la stratégie, au mix produit ou de marque, le développement, la restructuration, la gestion de crise…, le plus difficile sans doute, de développer une vision prospective, la capacité à réinventer le futur…

L’approche des dirigeants nécessite adresse relationnelle, crédibilité et savoir-faire. De façon générale, ils cloisonnent leurs contacts, sont particulièrement sélectifs et accordent la primauté à la qualité de leur interlocuteur. Quoi d’étonnant, ils n’ont pas de temps à perdre et seraient globalement sollicités au-delà de leurs possibilités s’ils ouvraient grandes les portes. L’approche doit donc être réalisée par un consultant bénéficiant d’une forte notoriété, associée à une excellente image ou à un « principal » qui se recommande du consultant et/ou de la marque de sa société de chasse, nécessairement reconnue en « top management », ceci après avoir passé le cap du « scénario–légende » qui aura permis de joindre directement le dirigeant. Il s’agit parfois d’une relation personnelle, que ce dernier a comme chasseur pour trouver ses collaborateurs, DG, DG de filiales, DGD, DGA, membres du comité exécutif ou du comité de direction, ayant un niveau de connaissance de son marché et de fiabilité mettant le dirigeant à l’abri de l’échec vis-à-vis de son conseil d’administration ou de son président, devenu son conseil personnel en organisation RH, et aussi, consciemment ou inconsciemment, le « chasseur » susceptible de le repositionner au cas où il le souhaiterait ou s’il était en difficultés.

Sélectif, il n’est pas hautain pour autant, en tout cas pas plus que d’autres catégories de cadres. Une fois l’accroche téléphonique effectuée, après s’être assuré que le dirigeant est disponible et qu’il peut échanger en toute discrétion, si le chasseur – consultant ou principal – a su surprendre positivement son interlocuteur par son aisance relationnelle, une note d’humour bien placée, de la vivacité d’esprit, un art consommé de la réplique… tout en sachant s’arrêter à temps, pour passer aux choses sérieuses avec un bon esprit de synthèse, le dirigeant se montre le plus souvent ouvert à l’échange. Il n’est, bien sûr pas question de lire une définition de fonction, mais il convient d’évoquer avec fluidité les caractéristiques de l’entreprise cliente sans la nommer même si le recrutement n’est pas confidentiel et que les informations communiquées la désignent presque à coup sûr ; tout ce qui se dit lors de l’approche l’est par nature et il est donc nécessaire de le témoigner et, d’ailleurs, souhaitable que les commentaires laissent place au doute entre deux et trois structures tant que c’est possible, la démarche étant de susciter à la fois la curiosité l’envie d’en savoir plus. Le chasseur peut alors passer au registre du bon mot et de l’humour afin de raviver le courant de sympathie… Et d’aboutir en fin de compte à une prise de rendez-vous avec le consultant, en proposant un lieu neutre – rencontre dans un club d’affaires, restaurant ou salon d’hôtel 5*, par exemple, en petit-déjeuner, apéritif en soirée, déjeuner ou simplement entretien dans la journée, selon les réactions pressenties au téléphone.

Pour ce niveau d’interlocuteur, impossible la plupart du temps, de retourner l’échange vers le dirigeant après lui avoir vendu l’opportunité afin de lui demander d’évoquer son cursus. L’appelant est censé le connaître avant de le joindre et il aura pris soin de prendre toutes informations au niveau requis. L’approche doit être suffisamment longue pour « imprimer », créer le courant de sympathie, piquer la curiosité, intéresser, étonner, convaincre de l’intérêt de l’entretien et l’obtenir, mais suffisamment synthétique pour rester brève. Personne ne passe vingt minutes au téléphone pour chasser un dirigeant. Et surtout, il doit s’agir d’une chasse parfaitement « ciblée ». Pas question d’évoquer une opportunité sans rapport, ou pire, un niveau en dessous de la position du dirigeant approché ; cela ramènerait inévitablement le chasseur au rang de « ringard incompétent », exception faite d’un projet entrepreneurial à fort potentiel et participation au capital, ce qui suppose que le chasseur ait pressenti le caractère entrepreneurial ou l’envie de rupture, d’aventure du « chassé » à ce stade de sa carrière.

Le consultant doit être « à la hauteur »…
Quant à l’entretien avec le consultant il est important que ce dernier soit immédiatement perçu comme « à la hauteur » par son interlocuteur, et crédible dans sa position de conseil et d’intermédiation de dirigeants. La courtoisie mais le naturel, l’adaptation rapide à la personnalité de son interlocuteur, la personnalisation du contact, sont de mises. Il s’agit ensuite de lancer la discussion, éventuellement en surprenant le dirigeant, en abordant, par exemple, une récente opération de croissance externe, une acquisition immobilière d’importance, une diversification réussie, sous réserve de ne pas tomber dans la banalité, d’en savoir plus que ce qu’en disent les supports spécialisés ou économiques tout en restant à sa place. C’est évidemment l’occasion pour le consultant de lancer son interlocuteur sur son activité, remontant ensuite dans le passé. Plus classiquement, la conversation partira sur l’opportunité elle-même, en nommant l’entreprise concernée – après signature d’une lettre de confidentialité si nécessaire –, son historique, sa culture, son actionnariat, sa gouvernance, son organisation, l’évolution de son activité et ses chiffres clés, sa stratégie et son éventuel tournant stratégique, ses encours, la projection de l’entreprise à 3/5/10 ans, le contexte du recrutement, les responsabilités du poste, le profil et la psychologie des managers qui seraient sous sa responsabilité, ce que recherche la gouvernance, les raisons pour lesquelles le consultant a pensé à l’intéressé si elles ne sont pas évidentes, les priorités à l’arrivée… Et, bien sûr, le « package » rémunération. Après cet échange sur l’entreprise, le projet, l’environnement, les questions posées, intervient assez naturellement le retour sur l’intéressé par le biais de la question : « cela semble bien correspondre à votre expérience, qu’en pensez-vous ? »… Puis l’achèvement de l’entretien, qui doit déboucher, s’il est positif de part et d’autre, sur une « confirmation d’intérêt » – jamais « de candidature », terme proscrit à ce stade, voire toujours pour ce niveau de poste – certains n’ont jamais été « candidats » avant d’être engagés.

L’étape suivante, en cas d’accord, est la rencontre avec le président, le DG ou le représentant du conseil, organisée par le consultant, là encore dans un lieu neutre. Le « pré-dossier » rédigé sera donc bref, comprendra le cursus du dirigeant, les commentaires du consultant avec son engagement – il doit « se mouiller ». Après l’entretien, il sera plus aisé, si l’intérêt est confirmé, de demander des éléments complémentaires, argumentaires, questionnaire projectif de personnalité, indication de références professionnelles, afin de constituer un dossier plus approfondi. De son côté, le président de l’entreprise qui recrute ou le conseil demandera le plus souvent au dirigeant devenu candidat, que le terme ait été prononcé ou non, un business-plan à cinq ans en lui communiquant tous les éléments nécessaires après signature d’une lettre de confidentialité – réciproque, bien entendu.

L’approche directe des dirigeants nécessite l’expérience…
Le dirigeant se prêtera d’autant plus au jeu à ce stade qu’il est en confiance à tous les points de vue, qu’il effectue lui-même ces demandes pour ses propres besoins de managers, qu’il les a déjà connues par le passé et qu’il en reconnaît l’utilité. Débriefer ensuite les résultats du questionnaire projectif permet de renforcer le lien entre l’approché et le consultant, lequel intervient quasiment toujours dans la négociation finale des conditions de rémunération intègrant la part fixe, la part variable sur objectif souvent garantie en tout ou partie la première année, voire les deux premières années, la participation dans les SCCV s’il s’agit d’un promoteur, la participation au capital de la société ou de la filiale créée pour lui, la distribution d’AGA (attribution gratuites d’actions) désormais préférées aux stock-options, les « carried interests » en gestion de fonds ou « private equity », les avantages en nature et les rémunérations non monétaires – article 83/épargne retraite, les garanties mandataires sociaux – RC et GSC ou le contrat « technique » de travail accompagnant le mandat social… S’y ajoutent souvent un « hello » ou prime d’arrivée compensant la perte de revenu du fait du départ et un « golden parachute » en cas de révocation ou licenciement.

Ainsi, l’approche directe des dirigeants ne peut être réalisée que par des consultants ou des « tandems consultant–principal » très expérimentés, crédibles vis-à-vis de leurs « cibles », d’une culture économique et d’entreprise éclectique, capables d’avoir un niveau d’échange à parité avec les dirigeants approchés, d’une excellente aisance relationnelle, d’une grande écoute, d’une forte empathie et d’un professionnalisme reconnu ; enfin, bien sûr, capables d’appréhender l’adéquation d’une personne dans toutes ses dimensions avec l’entreprise qui recrute, sa gouvernance, sa culture… Avec elle, mais parfois aussi en la surprenant par un changement de cap, voire « en lui tordant le bras » pour la faire évoluer vers de nouveaux horizons dans un contexte de profonde mutation…

Sophie Vatté-Refes et Laurent Derote

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