« de gros besoins dans le recrutement des cadres »…

Par Publié le : 14 avril 2021Catégories : articles DVATags: ,

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« Plus que jamais, le dicton « crise égale opportunités » va se vérifier affirme Laurent Derote à propos du recrutement des cadres dans l’industrie immobilière cette année. Le président de DVA Executive Search, spécialiste de cette activité s’il en est, ajoute que « de gros besoins vont apparaître sur toute la chaîne »… Il livre une analyse détaillée et fait part de ses prévisions pour l’année en cours…

Le séisme de la pandémie, l’arrêt forcé des économies, puis l’instabilité et les incertitudes qui en ont résulté, constituent un « big one » mondial qui surprend par son ampleur, donnant le vertige avec un coût dépassant 10 000 milliards de dollars financé par une dette des Etats dont le remboursement interroge l’intelligentsia de l’économie mondiale.

Dans l’hexagone, la pandémie impacte sans aucun doute le marché de l’emploi, même si les mesures gouvernementales de soutien de l’économie et d’indemnisation du chômage partiel, qui ont coûté 200 milliards d’euros, soit 8 points de PIB, ont permis d’éviter le pire en 2020… Mais avec un décalage probable des conséquences sur deux ans, le nombre de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, ndlr) commençant à augmenter, progressivement pour le moment. 

En matière d’emploi des cadres, après une année 2020 dont on ne se sait encore si « on a sauvé les meubles » avec le recrutement de 200 000 cadres de tous les horizons – soit tout de même -29 % par rapport aux 281 300 de 2019, ou si la chute atteindra 40 % à 170.000, le nombre de cadres en France – de l’ordre de 4 millions – pourrait bien reculer pour la première fois depuis 1993, les embauches en baisse, risquant de ne pas compenser les départs naturels et les licenciements en 2021, indiquait l’Apec en ce début d’année en attendant son bilan courant avril…

 

Quatre piliers

Chez DVA Executive Search, nous étions très bien partis après une année 2019 contrastée (selon les secteurs – record dans la promotion, forte chute dans les autres métiers – et selon la période – bonne reprise au dernier trimestre, globalement médiocre et décevant les neuf premiers mois -) et une année 2018 au plus haut !   

Dans ce contexte, nous avons vécu une année 2020 en quatre phases : deux premiers mois très prometteurs, générant un premier trimestre supérieur de 33 % à 2019, effondrement au second trimestre à la suite du confinement total (-69 %), fort rebond au troisième trimestre, confirmé au dernier trimestre par un chiffre d’affaire signé équivalent à celui de 2019. Globalement nous avons rattrapé en grande partie le retard en fin d’année 2020, terminant à -6 % en chiffre d’affaires signé par rapport à 2019. 

Notre activité a reposé sur quatre piliers : la promotion immobilière, l’investissement, la construction, l’immobilier « retail » ; les autres secteurs ont été en très net retrait.

Nous avons principalement travaillé pour les promoteurs à hauteur de 30 % des missions, pour les investisseurs institutionnels, l’immobilier « retail » et la construction à hauteur de 63 % en trois parts égales ; le solde entre les services de l’immobilier, l’immobilier des utilisateurs et le logement social.

 

Des managers chez les promoteurs résidentiels et des monteurs-experts confirmés en immobilier d’entreprise

Notre activité chez les promoteurs s’est inscrite en baisse cette année après un excellent cru 2019 – uniquement dans la promotion, rappelons-le – du fait d’une quasi absence de missions confiées dans le « middle management ». Nous avons, en effet, été sollicités pour recruter des directeurs de centre de profit à dominante résidentielle, depuis l’agence régionale jusqu’à la direction générale, dont la moitié en régions, des directeurs développement/montage très confirmés en immobilier tertiaire dans le Grand-Ouest, le Nord et la région Rhône-Alpes, le directeur général d’un groupe en forte croissance, le directeur général services centraux d’un autre groupe également représenté dans l’investissement, cette dernière mission « corporate » s’ajoutant, dans la discipline gestion, aux missions de recrutement d’un directeur financier et d’un directeur comptabilité chez un autre opérateur. Quelques postes de direction technique nationale et de filiale régionale, deux missions de conseil en organisation humaine et « benchmark » de rémunérations, deux missions de commercialisation d’ensembles immobiliers au sein d’une Sem, complètent le bilan promotion 2020, auprès de deux fois moins de clients que d’habitude, mais fidèles dans une véritable relation de partenariat, essentiellement des ETI (entreprise de taille intermédiaire, ndlr) en croissance, en « mode agile », qui ne sont pas sur staffées.

 

Une forte activité chez les investisseurs  

Notre activité auprès des investisseurs institutionnels s’est accrue de plus de 30 % en valeur de contrats signés, de plus de 50 % en nombre de missions. Nous avons travaillé avec une quinzaine d’opérateurs, sur les trois fonctions : investissement, asset management, technique/MOD, l’ensemble représentant plus de 50 % en trois parts égales : postes d’asset managers, « d’Investment/transaction managers », de « technical managers », chez des foncières internationales de développement en logistique, parcs d’activités, bureaux. Viennent ensuite les postes de SGP (société de gestion de portefeuille, ndlr), dont un directeur général, plusieurs fund managers, des RCCI (responsables de la conformité et du contrôle interne, ndlr), pour 17 %. Le tiers restant se répartit entre le property intégré, la commercialisation locative, une direction régionale, un responsable administratif et financier, et, enfin, une mission de conseil.

 

Résilience dans le commerce et la distribution

L’immobilier « retail » s’est montré résilient contre toute attente en matière de recrutement. Les missions nous ont été confiées par une dizaine d’opérateurs spécialisés : gestionnaires et grandes foncières d’outlets et de centres commerciaux, foncières liées à des groupes de distribution, départements commerces de groupe de conseil. Il s’est agi, en cinq parts de l’ordre de 20 %, des fonctions de commercialisation et de merchandising (« leasing managers », consultant et numéro 2 du département commerce chez un conseil), d’exploitation de centres commerciaux (directeur d’opération encadrant les directeurs de centre, directeurs de centre commercial, directeur et gestionnaire techniques), d’asset et property management spécialisés, d’expansion et d’investissement encore recherchés, en particulier dans la distribution alimentaire, en Ile-de-France et en régions, ainsi que dans la restauration ; les fonctions technique maîtrise d’ouvrage et juridique siège représentant la dernière part. Au même titre que les centres commerciaux, les outlets ont été très impactés, mais dès leur réouverture, ils ont connu un afflux de clientèle, affichant de bons résultats grâce à une stratégie marketing repensée et une bonne utilisation de la data de leurs clients et prospects. De façon générale, nous sommes à l’heure de l’optimisation de la data afin d’adapter les malls et le marketing des centres aux évolutions et ruptures sociétales notamment créées ou accélérées par la pandémie. Les centres commerciaux ne sont pas dans le monde d’hier, les clients ont besoin de renouer avec les contacts sociaux, de toucher les produits et de profiter des animations et des services qu’ils recherchent. Bref, ils se réinventent… 

 

D’importants besoins chez tous les acteurs de la construction

Les opérateurs de la construction, management de projet, clé-en-main, ingénierie, architecture, architecture d’intérieur, maîtrise d’œuvre, entreprise générale et de ravalement ITE (isolation thermique par l’extérieur, ndlr), organisme de contrôle et de certification, sociétés d’audit de performance énergétique et de transition environnementale, nous ont missionnés à hauteur de 20 % du total de nos missions, en forte croissance par rapport à l’année précédente. Nous avons recherché pour une dizaine de clients, en régions et en Ile-de-France, des fonctions de développement commercial pour 50 % : postes de chargé d’affaires, responsable bâtiment études de prix, directeur commercial grands comptes, directeur du développement commercial. La seconde moitié de nos missions a été constituée de fonctions d’études et de métré, d’un directeur des moyens industriels d’une institution de la construction, d’un directeur général d’une entreprise de bâtiment acquise par un groupe d’ingénierie environnementale, d’un directeur général de société d’aménagement d’espaces tertiaire et, enfin, d’un directeur d’agence architecture chez un grand architecte.

 

Nouvelle génération et mobilité chez les notaires

Outre ces quatre piliers de notre activité 2020, qui en représentent 93 %, nous avons recherché des notaires associés et salariés, spécialisés en immobilier complexe, constatant une forte évolution dans la profession, la constitution de SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée, ndlr) avec des projets entrepreneuriaux, l’émergence d’une nouvelle génération de notaires trentenaires plus « business » et conseil, et une forte accélération de la mobilité depuis trois ans.

Par ailleurs, trois grands utilisateurs nous ont confié la recherche de plusieurs responsables de projet, d’un directeur immobilier et d’un responsable des immeubles d’exploitation.

Enfin, nous avons été missionnés par des opérateurs du logement social afin de trouver leur directeur technique patrimoine et un responsable technique maîtrise d’ouvrage. 

Ainsi, bien qu’en retrait de 6 % en terme de chiffre d’affaires signé par rapport à l’année 2019, nous avons fait mieux que « sauver les meubles » en dégageant un EBE (excédent brut d’exploitation, ndlr) de 12 %. Nous accroissons nos fonds propres, c’est une bonne nouvelle à laquelle nous ne nous attendions pas en avril dernier. Mais si nous le constatons, nous devons reconnaître qu’il est plus difficile que jamais de prévoir. Nous sommes toujours dans le brouillard, repoussant chaque mois la probabilité d’une reprise énergique de l’activité, qui se situe désormais, à la prochaine rentrée de septembre.

 

Un début d’année plutôt favorable…

Le début d’année est plutôt favorable même si février se révèle plus attentiste. Les investisseurs arrivent nettement en tête des demandes avec le lancement de six recherches : un directeur asset-management et un directeur investissement chez un grand gestionnaire d’actifs, des postes d’analyste financier, asset-manager technique, directeur de parcs d’activités et industriels, directeur de projet maîtrise d’ouvrage. Dans la promotion, nous sommes missionnées pour la recherche de deux postes de développement en résidentiel dont un directeur en région, d’un responsable programmes en tertiaire et mixte, et, enfin, d’un directeur technique régional. L’expansion est toujours demandée pour deux enseignes commerciale, restauration et prêt-à-porter. Enfin le recrutement dans la construction se poursuit avec la recherche, pour une société d’ingénierie, d’un chef de projet audit technique et d’un directeur business développement.

Les retards accumulés dans les autorisations de construire, la contraction des mises en vente de programmes neufs, l’accroissement des coûts de construction et la chute conséquente des marges de promotion vont, sans doute, toucher les promoteurs très structurés, qui se retrouvent en sureffectif et qui vont devoir gérer la problématique équilibre économique/maintien en poste des équipes compétentes afin de ne pas prendre de retard lors du redémarrage de l’activité, tout particulièrement au niveau des équipes de ventes. Les leaders et majors du conseil et de la transaction locative en bureaux auront la même problématique.

En revanche, les promoteurs de taille intermédiaire et/ou en développement, capable de travailler en « mode agile », vont se trouver, pour certains d’entre eux, en position favorable et recruterons pour structurer leur activité, notamment en développement diffus et en montage d’opérations, ainsi qu’en réponse à appels à projets.

 

Crise et opportunités

La logistique de proximité, le « clé-en-main », les parcs d’activité sont favorablement impactés, suivant en cela la distribution alimentaire et le e-commerce. Chez les investisseurs, les effets du décrochement de l’activité d’investissement seront, sans doute, en partie compensés par la nécessaire diversification des actifs et les nouvelles stratégies « value-added » et opportuniste, nécessitant de faire appel à la MOD, au recrutement de « chasseurs d’opportunités », de monteurs ingénieux et de professionnels de la construction. Les foncières vont mettre à niveau et valoriser leur patrimoine, en optimisant dans le temps les programmes de rénovation et en utilisant les services des leaders de la commercialisation pour les locations temporaires, le marketing et les mesures d’accompagnement permettant de louer aux nouvelles conditions du marché, en constituant aussi des équipes intégrées plus étoffées comme elles l’avaient fait lors de la crise des années 1990. 

La transaction en résidentiel ancien va continuer à bénéficier du report du neuf par manque de produits en Vefa, et de l’attractivité de l’investissement privé direct, mais cela risque de « coincer » au niveau de l’offre, d’autant que les vendeurs ne sont pas enclins à baisser leurs prix pour cause de Covid.

L’administration de biens, toujours résiliente, est sous pression en matière de modernisation et d’évolution de la profession. Trois mouvements dominent : la concentration, notamment à l’occasion des départs en retraite, les évolutions en matière de SI, l’évolution de l’offre pour « louer en confiance » avec le rapport Nogal et sa proposition de loi. Sujets toujours difficiles : l’attractivité du métier et, corrélativement, le manque de vocation et donc d’effectif par rapport aux besoins. Enfin, momentanément, les administrateurs de biens ont pris un retard considérable pour leurs assemblées générales avec la mise en place, puis la gestion du « distanciel ».

A moyen terme, des questions importantes vont être traitées : comment intégrer désormais les risques sanitaires tout en rendant attractif le lieu de travail ? Organiser la nouvelle flexibilité, tenant compte des limites du télétravail qui crée aussi de la désocialisation ? Anticiper les nouveaux besoins de surfaces des entreprises dans un contexte économique nécessitant de réduire plus encore les coûts immobiliers ? Gérer la vacance locative ?  Concevoir le bureau de demain ?

Direction immobilière et DRH (directions des relations humaines, ndlr), AMO et architectes d’intérieur, BET (bureau d’étude technique, ndlr), conseils et « brokers », designers, investisseurs, et en fin de chaîne, promoteurs, architectes, aménageurs, constructeurs, « facility et property managers » pour « l’exploitation durable » vont devoir se mettre autour de la table pour dessiner le bureau de demain avec de nombreux leitmotivs : attractivité, productivité globale, RSE, exploitation et développement durables. Flexible, réversible, virtuel et mobile à partir d’un « port d’attache » physique, extensible au domicile ou en des « tiers lieux », il devra s’adapter à l’évolution des usages, précipitée en une année au lieu de cinq à dix. Les outils technologiques accompagneront cette transformation, permettant aux entreprises de l’IA (intelligence artificielle, ndlr) de se développer dans tous les domaines de l’Industrie Immobilière. 

De gros besoins vont donc apparaître sur toute la chaîne, sur les futurs programmes et sur la mise à niveau des patrimoines. Les promoteurs en immobilier tertiaire vont sans doute revenir plus fréquemment, outre le CPI (contrat de promotion immobilière, ndlr), à la MOD/AMO et réorienter une partie de leurs développeurs-monteurs vers la conception « du nouveau bureau », la relance du marché des « tiers lieux » type « Blue Office » revisité, la réponse à AO grands projets de rénovation. Ils ne seront pas les seuls : conseils en immobilier d’entreprise, sociétés d’AMO/MOD, BET, architectes, tous vont s’orienter sur la mise à niveau du patrimoine existant auprès des propriétaires. Il en sera de même pour l’aménagement et l’architecture intérieurs : chefs de projet, responsable d’affaires, directeurs du développement commercial, vont être sollicités, ayant pour « cible » plus souvent les utilisateurs que les investisseurs.

Plus que jamais, le dicton « crise égale opportunités » va se vérifier, avec d’autant plus de force que cette pandémie est un tsunami, mais avec des capacités de production mises à l’abri par les Etats au prix d’un gigantesque endettement qu’il va falloir gérer dans le temps, d’autant que cet endettement est susceptible d’impacter l’investissement. Tout est dans tout !

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